lundi 13 juillet 2015

Vers la démocratie dictatoriale

Voici une analyse d'André Gandillon, directeur de la revue nationaliste sociale française Militant, du tristement célèbre Patriot Act américain qui confère des pouvoirs de surveillance énormes à l'État et qui menace sérieusement les droits et libertés au nom de la lutte au terrorisme. Le site web de la revue Militant se trouve à l'adresse suivante: http://www.revue-militant.fr/.

VERS LA DÉMOCRATIE DICTATORIALE

Les événements du 11 septembre 2001 à New York ont été à l'origine d'un processus de dérive totalitaire aux Etats-Unis qui s'aggrave au fil des ans. Il importe d'en faire le point, d'autant plus que d’autres pays ont suivi l’exemple des Etats-Unis, comme la France avec la Loi sur la Sécurité Quotidienne et que  progressivement des lois multiples s'en prennent aux "libertés numériques".

Une loi d'exception
Les premières entorses aux droits constitutionnels des Américains datent des années 1990, à la suite du premier attentat contre le World Trade center en 1993 et de celui qui a détruit le bureau Fédéral d'Oklahoma City en 1995 : le Congrès avait alors voté l"Antiterrorism and Effective Death Penalty Act (ou AEDPA) le 24 avril 1996, altérant les garanties liées à l'habeas Corpus. 
A la faveur de l'émotion provoquée par les attentats du 11 septembre 2001 à New York, George Bush, alors président des Etats-Unis a fait adopter des lois d'exception, notamment le Patriot Act, adopté à la quasi unanimité des membres du Congrès et signé le 26 octobre 2001 dont la validité était initialement prévue pour quatre ans. Quelles sont les principales dispositions de cette loi, qualifiée "d'arme guidée au laser " par le Ministre de la justice d'alors, John Ashcroft, et objet de vives critiques dès sa publication car elle empiète sur les libertés individuelles,.
Cette loi antiterroriste contient des dispositions inquiétantes en matière de surveillance sur le Net et autorise notamment la mise sur écoute de tout appareil de communication utilisé par toute personne en rapport, de près ou de loin, avec un présumé terroriste. La loi confirme l’autorisation accordée au FBI d’installer un logiciel de surveillance, nommé Carnivore afin d’épier la circulation des messages électroniques et de conserver les traces de la navigation sur le Web de toute personne suspectée de contact avec une puissance étrangère. Pour ce faire, seul l’aval d’une juridiction spéciale, dont les activités sont confidentielles, est nécessaire.

Des dispositions sans cesse renforcées
Fin novembre 2003, avec le Patriot Act II, précédemment le Domestic Security Enhancement Act, le Congrès a encore accru les pouvoirs du FBI.
Un nouvel amendement facilite l’utilisation des National Security Letters (LSN), qui permettent à l’agence fédérale de requérir de FAI ou de sites Web des informations personnelles sur les internautes, sans aucun contrôle judiciaire.
Le nouveau texte supprime notamment l’obligation pour le FBI de soumettre chaque année au Congrès un rapport sur l’utilisation de ces NSL.
Les sénateurs, lors du vote de l’amendement ont souligné que l’extension du recours à ce type d’ordre administratif remet en question l’équilibre des pouvoirs au sein des institutions américaines.
Il peut aussi retirer aux américains leur citoyenneté s’ils sont soupçonnés d'aider toute organisation qui a été étiquetée comme "terroriste" même sans qu'ils le sachent. En janvier 2004, le Président Bush a demandé au Congrès de rendre permanent le Patriot Act alors que celui-ci devenait caduc en 2005.
Les associations de défense de libertés individuelles ont évidemment dénoncé cette démarche insistant sur les dérives auxquelles a déjà donné lieu cette loi provisoire.
Mais, fait aggravant, cette loi liberticide sert de modèle international pour d'autres Etats qu'i s'empressent d’adopter des lois similaires, tandis que Washington se targue d’être le héraut de la liberté d’expression sur Internet, lançant de nouveaux programmes pour lutter contre la censure au niveau mondial (Global Internet Freedom Act, juin 2003 a pour objectif de lutter contre la censure de l’Internet mise en place par des régimes répressifs comme la Chine, elle prévoit la création d’un bureau de la liberté de l’Internet (Office of Global Internet Freedom). L'objectif est clair : il s'agit d'affaiblir les ennemis tout en renforçant ses propres défenses.
Depuis le 11 septembre, des bases de données contenant des informations sur des dizaines de milliers de citoyens ordinaires ont été récupérées par des agents fédéraux désireux de collecter le moindres informations susceptible de les aider dans la lutte contre le terrorisme (listes supermarché, listings de voyages, plongeurs sous-marins de San Francisco et même des informations issues de bases de données publiques !
Il semble qu’aucune activité ne soit exclue du champ d’investigation de l’Etat Américain dans une atmosphère où la sécurité est devenue prioritaire. Car même si aucune limitation n’est explicite, la peur des représailles aurait un effet inhibant sur les comportements publics. Pour sa part, le FBI a forcé l’ACLU (American Civil Liberties Union ou Union américaine pour les libertés civiles) à censurer un paragraphe sur son site qui indiquait quelles informations le FBI est autorisé à exiger sous le couvert du Patriot Act !

Une loi anti constitutionnelle
Le Patriot Act contourne le contrôle judiciaire et réduit les protections en matière criminelle. Les droits constitutionnels suivants sont susceptibles d’être violés :
1er amendement : liberté de religion, de parole, de réunion et de la presse.
4ème amendement : droit de ne pas subir des recherches et des saisies déraisonnables.
5ème amendement : nul individu ne peut être privé de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans un procès équitable.
6ème amendement : droit à un procès public rapide par un jury impartial, le droit d’être informé des éléments de l’accusation, le droit de confronter les témoins et d’assistance juridique.
8ème amendement : pas de détention arbitraire ou cruelle ni de condamnation exceptionnelle.
14ème amendement : tous les individus (citoyens américains ou non) résidant aux EU ont droit à un procès équitable et une égale protection par la loi.
Le critère de la "probable cause of crime" disparaît : le FBI disposait déjà d’un grand pouvoir en matière de surveillance des communications sur Internet et le téléphone, notamment en cas de crimes impliqués dans une attaque terroriste : désormais, ces écoutes peuvent avoir lieu pour n'importe quel crimes.
L’article 218 du Patriot Act amende le FISA (America's Foreign Intelligence Surveillance Act), signé par en octobre 1978 Jimmy Carter, qui établit les procédures à suivre en matière de surveillance électronique dans les affaires d'espionnage) afin que le FBI puisse secrètement conduire des recherches physiques ou sur écoutes afin de prouver l’existence d’un crime et ce même sans urgence : cette disposition s’applique même aux citoyens américains.
L’article 215 donne autorisation aux agents du FBI à obtenir à travers tout les pays un order de la cour FISA ou de tout juge fédéral, et permettant d’obtenir des informations en rapport avec la lutte contre le terrorisme ou contre les activités clandestines : informations très sensibles peuvent être collectées (dossier médical, santé mentale, docs financiers, vidéos louées, empreintes, échantillons ADN à partir de cheveux, contrats de travail, drogues, données d’immigration).
Le juge n’exerce plus aucun pouvoir discrétionnaire : il doit délivrer cet "order" sur présentation par le FBI d’une demande affirmant que ces enregistrements sont collectés dans un but d’enquête contre le terrorisme international.
Selon l'article 216, le juge doit délivrer l’"order" dès réception de l’attestation même s’il n’est pas d’accord et qu’il est certain que les agents ne trouveront pas d’informations pertinentes : le juge n’est alors plus le protecteur des la vie privée.

La vie privée menacée
La législation courante, jusqu'à 2001, établissait (Arrêts Schenck v. US (1919) et Abrams v. US (1919) que la liberté d’expression peut uniquement être punie si elle représente un " danger actuel et clair " imminent. En 1969 dans Brandenberg v. Ohio, la Cour Suprême a précisé que la liberté d’expression ne peut être empêchée que si elle est intentionnellement et vraisemblablement source d’attaque imminente illégale à l’ordre social.
Aujourd'hui, au nom de la lutte contre le terrorisme, l’administration peut désormais conduire des opérations en secret, réprimer des délits d’opinion, placer sous surveillance des citoyens même lorsqu’il n’y a pas d’éléments permettant de soupçonner une activité criminelle, recueillir des informations sensibles sur la vie privée des citoyens et des étrangers résidant aux Etats-Unis.
La loi des droits civiques (Bill of Rights) en est la dernière victime : Le vice-président Richard Cheney a annoncé la couleur, en déclarant peu après le 11 septembre 2001 : "Beaucoup de mesures que nous avons été obligés de prendre deviendront permanentes dans la vie américaine, elle feront partie d’une nouvelle normalité". Les Etats-Unis ne se considèrent plus liés aux principes qui ont longtemps constitué leurs fondements Cette loi a ressuscité le délit d’association et elle a créé une cour spéciale ayant accès à des informations classifiées (secret défense) pour déporter des étrangers suspectés de terrorisme. Et surtout elle a supprimé la loi – qui n’avait que quelques années de vie – interdisant au FBI d’enquêter sur les activités concernant le premier amendement (liberté d’expression, association politique, religieuse et de presse).
Par ailleurs, le 15 juillet 2002, la Chambre des représentants a adopté le Cyber Security enhancement Act dont le texte avait été rédigé avant le 11 septembre mais adopté dans le prolongement du Patriot Act. Parmi ses dispositions citons celle-ci : toute personne qualifiée de "hacker" (pirate informatique) qui met en danger sciemment ou "par imprudence", la vie d’autres personnes par l’usage d’un ordinateur peut être emprisonnée à vie.
Le renouvellement du Patriot Act a permis d’inscrire dans la durée des mesures qui, lors de leur première adoption en 2001, furent justifiées par une situation d’urgence. Les dispositions d’exception prises par le gouvernement états-unien, après les attentats du 11 septembre 2001, se fondent sur le vote du Congrès stipulant "que le Président est autorisé à utiliser toutes les forces nécessaires et appropriées contre les nations, organisations ou personnes qui ont planifiés, autorisés, commis ou aidés les attaques terroristes survenues le 11 septembre 2001....". C’est ainsi que le Patriot Act autorise l’incarcération, sans procès ni inculpation, pour une durée indéterminée d’étrangers soupçonnés de terrorisme, tout en installant une surveillance généralisée de la population. Certaines de ces mesures de contrôle sont permanentes, d’autres furent votées pour une période de quatre ans. Ces dernières, contenues dans 16 articles, venaient à expiration fin 2005. Pour pouvoir être prolongées, elles devaient faire l’objet d’un vote des deux Chambres autorisant leur réinstallation.
Ce n'est pas tout. L’article 215 du Patriot Act autorise le Bureau fédéral d’investigation (FBI) à utiliser certaines clauses dérogatoires qui rendent l’application du quatrième amendement de la Constitution pratiquement inapplicable. Les agents fédéraux peuvent saisir, sans motif ou preuves valables, des archives contenants des renseignements personnels dans les bibliothèques, les hôpitaux, les banques, les universités et même les entreprises. Cela inclut des opérations de profilage à partir de certains critères tels la religion, l’appartenance ethnique, les lectures d’une personne ainsi que les sites Internet qu’elle visite. Depuis quand le lecteur d’un roman policier est-il vu comme un criminel en devenir? En quoi un citoyen qui emprunte quelques ouvrages sur Al-Qaeda, pour sa culture personnelle, est-il un membre potentiel de ce réseau terroriste? Il n’existe aucun lien direct entre les activités intellectuelles d’une personne et ses actions. Comme les lois liberticides françaises (loi Pleven, Loi Gayssot), le droit subit une régression dans la emsure où l'on ne juge pas sur les faits mais sur les intentions.
En 2002, le président Bush a signé un ordre exécutif qui autorise la National Security Agency (NSA) à mettre sous écoute toute personne qui réside aux États-Unis sans contrôle judiciaire. L’ordre peut être donné par le ministère de la Justice et il n’est pas nécessaire de présenter une quelconque preuve de lien avec le terrorisme. Ainsi, le FBI a pleine autorité pour rassembler une quantité astronomique de renseignements à partir des communications téléphoniques ou numériques qui entrent et sortent du pays. C'est d'ailleurs une faiblesse car trop d'informations tue l'information.
Barak Obama en rajoute
Or, le Patriot Act a été déjà renouvelé à deux reprises : une première fois le 9 mars 2006, à la suite – reconnaissons-le – d'âpres discussions au Congrès -  avec le paraphe de George Bush ; une deuxième fois, le 26 mai 2011 sous la signature de Barack Obama, la prorogation étant valable jusqu'en juin 2015. Ainsi, dix ans après l'adoption de cette législation d'exception, Barack Obama ne l'a pas abrogée. Mais, plus encore, il l'a renforcée, au motif de combattre le terrorisme, transformant progressivement les Etats-Unis en un Etat policier. En effet, le 31 décembre 2011, alors que l'attention des gens est traditionnellement relâchée, il signait le NDAA (National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2012) laissant entendre dans ses articles 1031 et 1032 qu’il est désormais permis de détenir, sans procès ni imitation de durée, tout citoyen américain suspecté d’avoir collaboré avec des individus ou groupes perçus (identified as) comme terroristes.
La nouveauté de ces dispositions est que tout citoyen américain soupçonné à tort ou à raison d'activité terroriste pourra être interné dans des prisons comme Guantanamo. Etant donné la définition extrêmement souple de “terroriste” (tout ce que peut s’associer, de près ou de loin, avec Al-Qaïda et le 11 septembre) et l’absence de possibilité de défense, cela veut dire en fait absolument n’importe qui associé de près ou de loin à un mouvement contestataire. Les Etats-Unis en sont presque là où était l’URSS avec le KGB, l’Allemagne de l’Est avec la Stasi : un Etat policier totalitaire.
Les textes du NDAA sont suffisamment imprécis pour laisser libre cours à l'arbitraire tout en paraissant anodins. Ainsi, lorsqu'un citoyen américain est pris en flagrant délit d'aide à l'ennemi, il relève des lois de sécurité traditionnelles relatives à la trahison. Mais si un citoyen américain est simplement soupçonné de collaboration avec l'ennemi, il ne dépend plus nécessairement de la justice civile mais peut relever directement de la justice militaire avec tout l'arbitraire qui en découle. Il est donc clair que ce genre de disposition peut être utilisé de manière discrétionnaire contre toute personne qui serait considérée comme gênante pour le régime en place. Nous pouvons mesurer les conséquences infinies d'un texte apparemment anodin, destiné apparemment à la seule sécurité publique. Lorsque l'on connaît l'arbitraire relatif aux décisions d'internement à Guantanamo, il est facile de penser que le pire n'est pas à exclure. Les inquiétudes peuvent être accrues lorsque l'on sait qu'une autre loi l'Enemy Expatriation Act, se trouve en attente de vote au Congrès depuis janvier 2012 : elle prévoit en effet de dépouiller de sa nationalité américaine tout citoyen  accusé (sans être nécessairement jugé) de collaboration avec l’”ennemi”!
Certes, les réactions sont nombreuses face à ces dispositions qui vont clairement à l'encontre des règles édictées par la Constitution de 1787. Mais la dérive sécuritaire est elle que rien ne semble actuellement en mesure de l'arrêter.
Le danger de cette évolution consiste en ce qu'il est possible d'emprisonner les gens sans limites et hors de tout contrôle judiciaire, supprimant ainsi toutes garanties minimales de justice et de droit pour tout un chacun.
 Il est compréhensible qu'en période de guerre des mesures d'exception puissent être prises. Mais, dans le contexte actuel, il est clair que ces mesures peuvent viser aussi bien de véritables terroristes, tels des commandos islamistes, faisant courir des dangers réels à la population, que toute personne ou groupe de personne qui, par ses idées et ses actions politiques est considéré comme constituant un danger pour le pouvoir en place dont nous savons qu'il est avant tout au service de coteries et de cercles de pensées dont les intérêts ne concordent pas avec ceux du Monde blanc.
La nature totalitaire de ces textes apparaît plus clairement encore lorsque l'on considère la politique laxiste, en dépit des paroles et des effets de manches, relative à l'immigration et à l'acceptation de populations dont la culture, la civilisation et les intentions sont autres que celles propres au génie culturel des fondateurs des Etats-Unis et même parfois contraires. Il en est de même en Europe occidentale où les gouvernants, à la suite des Etats-Unis, mènent une politique de trahison en ouvrant grandes les portes de l'immigration inassimilable tandis qu'ils envoient des troupes à des milliers de kilomètres de l'Europe s'immiscer dans les affaires intérieures d'autres peuples et d'autres Etats souverains. 

André GANDILLON