Depuis de nombreuses années, les entreprises n’ont plus de « personnel » mais des « ressources humaines ». Ce n’est pas anodin : cette modification révèle un changement de mentalité et de « paradigme » économique. Là où l’économie laissait encore transparaître quelque dimension humaine, charnelle, s’est substitué l’homme-matière, l’homme machine à produire, ressource énergétique à forme humaine.
Une illustration emblématique de ce qui est tout simplement une régression de civilisation nous a été donnée le 12 décembre 2013 par un administrateur français de la BCE (Banque centrale européenne), Benoît Cœuré, qui a déclaré (en anglais) que la déflation qui affecte les « PIGS » (à savoir le Portugal, l’Irlande, la Grèce et Espagne = Spain en anglais) n’est pas le problème de la BCE, que le chômage de masse n’est pas un problème mais une solution (1). Autrement dit, peu importe qu’il y ait plus de 20 % de chômeurs dans certains de ces pays, que des familles soient réduites à la misère, l’essentiel est que les grands équilibres financiers soient préservés, que l’idéologie économique à la mode soit sauve, même si, au passage, l’obligation de la BCE de concourir au plein emploi, prévue dans les traités européens est oubliée.
Évidemment, la cause des difficultés des « PIGS » (appellation d’ailleurs injurieuse pour ces peuples puisqu’en anglais cela signifie « cochons ») est l’euro, monnaie unique qui veut maintenir sous une même férule des Etats à l’économie aussi différente que celle de l’Allemagne et de la Grèce ou du Portugal. Mais l’important, présentement, est de remarquer comment, avec le plus grand cynisme, des êtres humains sont passés par pertes et profits d’une économie au service de la finance apatride et de son projet mondialiste. Ce ne sont plus des hommes au chômage, miséreux mais des facteurs de production mis au rebut.
Or cette mise à la poubelle, en quelque sorte de milliers de personnes, n’est qu’un aspect de l’entreprise mondialiste. Dans la plus grande discrétion, le 18 octobre 2013, a été signé un projet d’Accord économique et commercial global (AECG) entre l’U.E. et le Canada, autrement dit un accord de libre échange généralisé.
Outre le fait qu’un tel traité favorisera le Canada dont la monnaie est inférieure d’un tiers à celle de l’euro et dont l’économie est à la hauteur de son remarquable savoir-faire, il contient des dispositions qui, tout en altérant un peu plus la souveraineté des Etats de l’U.E., constituent autant de mécanismes broyeurs des peuples.
Entre autres, cet accord va consacrer la supériorité des droits des entreprises sur ceux des citoyens ou des consommateurs et sur la défense de l’intérêt général, puisqu’il est prévu qu’il adopte le mécanisme de règlement des différends « État-investisseur » ou « Investor-State Dispute Settlement » ( ISDS).
Ce mécanisme, dit de « protection des investissements », ouvre le droit à une entreprise de poursuivre un État ou une instance infra-étatique si une réglementation la prive de bénéfices escomptés ; le différend sera arbitré par un panel d’experts privés, de façon discrétionnaire et en dehors des juridictions publiques nationales, régionales ou multilatérales sur le modèle de l’Organe de règlement des différends de l’OMC. Seules des sociétés transnationales américano-européennes voire euro-américaines en tireront bénéfice en pouvant engager des poursuites de plusieurs millions d’euros pour contester notamment les politiques de protection sociale et de santé publique des États.
Par exemple, si un gouvernement augmente le SMIC au delà d’une simple revalorisation technique, il pourra être condamné par un tel tribunal au motif qu’il aurait favorisé le salarié par rapport à son employeur, celui-ci étant contraint alors d’augmenter la masse salariale au détriment de ses bénéfices … et du service des actionnaires. Un tel cas de figure s’est déjà produit Egypte.
Ce traité U.E. Canada n’est que le poisson-pilote du futur traité euratlantique en cours de négociation avec les Etats-Unis qui, en liaison avec l’ALENA, le « marché commun » de l’Amérique du nord, créera « le plus grand marché du monde », comme l’a dit le tout puissant président de la Commission européenne Manuel Barroso, agent bien connu des cercles mondialistes transatlantiques, qui a en outre déclaré que l’accord avec Ottawa devait « servir de modèle pour d’autres négociations ».
Ainsi, l’homme, rebaptisé ressource humaine, qui aura pu échapper à son assassinat intra utéro par avortement, sera-t-il plus que jamais matière à profit pour les intérêts économiques et financiers apatrides, avant que, vieillissant, coûtant alors plus qu’il ne pourra rapporter, il soit éliminé sous la douce appellation d’euthanasie, comme un objet usé dont on n’a plus l’usage. Entretemps, il aura été privé du cadre protecteur de la nation dont on sait qu’elle est le verrou à faire sauter, comme l’a dit Edmond de Rothschild en 1970.
Dans un tel contexte, en ce début d’année 2014, la rédaction de MILITANT ne peut que formuler en matière de vœux que ceux d’intensifier notre combat en informant le plus grand nombre de nos concitoyens, de recruter et former ceux qui ne sont pas dupes de l’état actuel du monde, afin de constituer l’outil révolutionnaire indispensable pour mettre fin à cette entreprise de mort qui menace à la fois les hommes et les nations par lesquelles ils accomplissent leur destinée. Il en va tout simplement de la survie de la civilisation.
MILITANT
(1) « Deflation in the south is part of the adjustment and is not in itself an issue », cité dans le compte rendu de la Deutsche Bank d’une réunion tenue le 12/12/2013